Le retour du jedi.

Dong Su poussa mollement la lourde porte de sa chambre, qu'il n'avait pas encore eu le temps d'appréhender comme telle, ayant dû s'absenter quelques temps... oh, un temps minime, mais visiblement rien n'avait vraiment changé, la même chambre spacieuse habillée de quatre lits, les mêmes marches, le même luxe qui lui donnait déjà envie de vomir, les mêmes murs qui lui donnaient envie d'y mettre de furieux coups de pieds.... rien n'avait changé, c'était totalement prévisible, mais décevant.
Il se souvenait vaguement du jour de son départ, c'était comme une brume qu'il ne voulait pas dissiper, il s'était enserré lui même dans une armure d'indécision pour ne pas avoir à y repenser.

Il déposa le léger bagage qu'il avait ramené de son escapade forcée, ne prenant même pas la peine de l'ouvrir pour ranger ces quelques effets, il se sentait terriblement las, il n'avait envie de rien, même un bon livre n'aurait pas réussi à le sortir de sa torpeur.
Du point de vue extérieur, rien n'avait changé, vêtements de marques et maintien fier faisait toujours partie de lui, on pouvait néanmoins remarquer dans ses yeux que quelque chose s'était éteint, il avait perdu quelque chose d'important.
Ce jour là, Su avait tout perdu, mais il n'en avait pas encore réellement conscience, il n'avait pas voulu y penser.

Il leva un regard légèrement absent sur l'édredon qui n'avait pas bougé depuis son départ, passant une main aérienne sur la tête de lit en bois sculpté, remarquant distraitement un chargeur de téléphone posé en plein milieu.... * Tiens, Machin l'as remis.*
Aprés un laps de temps qu'il n'aurait pu quantifier il remua la tête de gauche à droite tentant de reprendre le cours de ses pensées, il était là, il fallait qu'il fasse honneur à son nom, à sa réputation qu'il avait passé des années à se forger, il l'avait promis. Mais tout ce cadre fastueux et pourri de l'intérieur le bouffait, cette école lui rongeait le peu d'humanité qu'il avait gardé, ce n'est pas vraiment ça qui l'inquiétait en fait.... il ne savait pas, il ne savait plus, il avait perdu ses repères, des choses qu'il pensaient immuables avaient disparues, plus jamais il n'arriverait à redevenir Su', jamais il n'arriverait à être le même homme, pas sans lui, pas sans eux.
Il commençait à étouffer, au fil des minutes la chambre avait sembler se refermer comme un étau mortel autour de lui, tout ce qui lui avait semblait spacieux et ordonné tournait à la cellule morbide, ce lit magnifique lui semblait une cage, il fallait qu'on l'aide, pourquoi l'empêchait-on de respirer? Pourquoi les épais murs de pierres et les larges fenêtres semblaient vouloir l'enfermer à nouveau, il fallait qu'il respire! Il fallait qu'il arrête de penser, maintenant!

Il se précipita d'un pas vacillant, telle une marionnette mal réglée, vers la large fenêtre qu'il avait l'impression de se voir réduire au simple judas d'une porte d'entrée au fur et à mesure qu'il accélérait ses pas, il étouffait.
Il ouvrit maladroitement la fenêtre et l'air frais nocturne lui fouetta le visage, se permettant une grande inspiration, tous ses muscles se décontractèrent d'un coup, il allait mieux, enfin.
Ne réfléchissant pas plus, et la vue du jardin l'empêchant de penser à ce qui lui rongeait le coeur, il enjamba la fenêtre, s'asseyant calmement sur le rebord de la fenêtre, les pieds dans le vide, il était bien. C'est là que tout s'imposa à nouveau à lui, le coup de fil d'un de ses amis, ce matin là, trés tôt....

Flash back

Su écoutait distraitement la douce vibration qui accompagnait son éveil, lorsque tout à coup, elle s'arrêta.... recommençant à peine quelques seconde plus tard, insistante, commençant à être presque désagréable. C'est à ce moment que son esprit s'éveilla : son portable sonnait.
La voix voilée par le sommeil il décrocha sans hésitation, seules ses plus proches amis avaient son numéro personnel.
- Oui.
- Su, il faut que vienne, on a des problèmes..

Il soupira largement, ne laissant pas le temps à son interlocuteur de finir sa phrase, il lui coupa la parole, agacé.

- J'ai pas le temps, je t'ai déjà expliqué cent fois, mon père m'a envoyé au japon, crétin.

A son grand étonnement, Dae Ra continua, particulièrement affolé, il semblait en train de...pleurer? Non impossible.

- Déconne-pas Su', et pour une fois arrêtes de me raccrocher au nez, c'est Won, ils l'ont emmené ce matin à l'hôpital, il.... il..... je savait pas ce qu'il avait je te jure, il m'ont pas laissé rentré, quand il est mort je.... Su merde!, j'essaye de t'appeler depuis des heures, on ne sait pas ce qu'il s'est passé, il faut que tu....

Le reste des mots n'atteignirent même pas son cerveau désormais parfaitement réveillé, c'était impossible, on lui jouait une blague, une mauvaise pièce de théâtre, c'était un cauchemar .... Young Won, son meilleur ami, son frère, non, non, c'était impossible.
Son coeur était sur le point d'exploser, il avait chaud, son visage était en feu, ....non, il n'allait pas pleurer pour une blague, un vulgaire canular, Won faisait partie de lui, c'était son ami, il... il n'avait pas le droit d'arrêter de vivre si soudainement, il n'avait pas le droit de le laisser!

Tout était en train de s'écrouler, ce jour là, il ne prit même pas le temps de s'habiller convenablement, et partit en courant, à peine conscient de ce qu'il faisait.

Trois jours plus tard.

- Père! il faut que j'y aille, c'était mon ami tu n'as pas le droit de me faire ça!
- Tu n'iras pas.
- que tu le veuille ou non, ce n'est pas les pantins débiles qui te servent de garde du corps qui m'empêcheront d'assister aux obsèques de Won.
- Crétin de fils! Sait-tu seulement à quel point cela réduirait nos efforts à néant? à quel point cet enfant à fait du mal à notre famille et à notre groupe en disparaissant à ce moment là? Je ne cautionne pas sa mort.... mais je ne te laisserait pas apparaitre en public après un tel scandale. Je suis désolé mon fils.... Emmenez le.

Des bras puissants l'enserrèrent pour l'emmener dans des pièces qu'il avait rarement eu l'occasion d'explorer dans le building, on le jeta dans une austère salle de réunion et il n'eut pas le temps de se relever que les portes étaient déjà verrouillées. Bien que sachant pertinemment tout effort vain, il se mit à frapper de toutes ses forces sur les portes blindées, hurlant à s'en déchirer les cordes vocales.... ses mains commençaient à saigner, il avait mal, mal au coeur, mal à la tête, .... Won, Je suis désolé.

Su n'assista pas aux obsèques de son ami le plus proche, celui qu'il avait rencontré à 9 ans et qu'il n'avait jamais quitté, celui qui le comprenait sans lui parler, celui qui pouvait se permettre d'avoir un avis contraire au sien tout en étant d'accord, celui avec qui il avait couché, un fois, celui qui le soutenait, ..... celui qu'il aimait comme un frère, comme une partie de lui. Plus jamais il ne pourrait être le même.

S'ensuivirent deux semaines d'errances en quelque sorte, il ne sortait plus, il ne mangeait plus, il ne faisait plus attention à ce qu'on pensait de lui... il n'existait plus. A aucun moment il n'avait pleuré, ça ne servait à rien, Won n'était plus là pour se foutre de sa gueule.
Et puis, comme toujours, la vie reprend le dessus, il était allé voir son père qui lui avait conseillé de retourner à Hakujoo, que c'était la meilleure chose pour lui. Soit, sa volonté n'était pas vraiment à la discorde, aussi bizarre que cela puisse paraitre.

Une semaine plus tard, ses amis l'avaient retrouvé, il leur disait au revoir en bas du jet privé spécialement affrété pour le japon, toute la semaine il avait repris son rôle, il avait été Su' aux yeux de tous.... arrogant, superficiel et agressif, il avait été Su', et il y croyait dur comme fer.

Fin flash back.

Quand il reprit ses esprits, ce fut pour sentir une petite goutte humide tomber sur son poignet, il sut tout de suite qu'il venait de verser la seule et unique larme, celle qui contenait toute sa peine, celle qui venait de s'écraser sur un bracelet d'argent gravé au nom de "Kim Young Won", prélevé par Dae Ra sur sa dépouille...
Un souffle de vent extrêmement froid balaya son visage et il sentit distinctement le chemin qu'avait suivit la petite goutte de liquide salé sur sa joue, il ne tenta pas de l'effacer.
Il avait l'impression d'être un peu apaisé sur ce rebord de fenêtre, paradoxalement, l'établissement qu'il tenait comme la cause de ses malheurs l'avait apaisé, pour la première fois depuis des semaines...

Maintenant qu'il avait évacué sa torpeur, il allait pouvoir se concentrer sur l'enquête qu'il allait mener sur la mort de Won, il ne laisserait rien passer, même en restant au Japon. Un nouveau Su' était là, comme amputé de ce qui le faisait tenir mais un nouveau Su' était né.

"Won, je te le promet."

Su avait 20 ans et il venait de connaître sa première véritable peine, celle qui allait tout changer.

Il décida de rester encore un peu sur ce rebord de fenêtre, oubliant un instant la fraicheur de la nuit, savourant sa conscience nouvelle.

[HS : au final, trop mélodramatique et impersonnel, tant pis, il est revenu! xD]