All alone in the rain...

Dehors, la pluie battait, presque avec rage. Les larmes des dieux qui s'abbataient avec puissance. Personne n'ose s'y aventurer. La colère des dieux est peut-être un peu trop forte. Mais, est-ce VRAIMENT la colère des dieux? Ou est-ce seulement leur tristesse, ou celle du monde qu'ils ne peuvent contenir en entier? Caché dans une petite caverne du jardin, la silhouette de Kiyoshi faisait face à l'extérieur, observait les larmes... de temps en temps, elle se retournait vers son ombre, son unique amie, pour lui poser une question: pourquoi pleurent-ils?

Et l'ombre se contentait de garder le silence. Unique amie fidèle, mais muette, malheureusement.

Kiyoshi, alors, soupira, habitué au silence que son amie lui apportait. Il observait les larmes des dieux, voulant toutes les compter mais n'ayant pas le temps de le faire. Triste... n'est-ce pas? Alors, il prit une roche qui trainait non loin de là et se mit à dessiner sa vision de la pluie. Il fit un nuage avec un visage fondu à l'intérieur qui pleurait. Les larmes des dieux. Puis, il raya rapidement son dessin, esquisant un soupir qui semblait déchiré par les sanglots, les remords, la douleur de vivre. Un long soupir rempli d'émotions.

L'agonie se fond avec le bruit de la pluie...

Lâchant plusieurs soupirs douloureux, Kiyoshi décida de se lever, étant assit et voulant se dégourdir les jambes dans cette petite caverne. Malheureusement, il avait oublié l'handicap de la basse grandeur de cette caverne, et en se levant il se fracassa la tête sur la roche. Contact très douloureux entre sa tête et la caverne... aussitôt lança-t-il non pas un soupir mais bien un cri de douleur, bien sonore, qui faisait écho dans la petite caverne. Alors, le dépressif se rassit, une main sur sa tête, espérant ne pas s'être ouvert quoi que ce soit. Malgré tout, la sensation de chaleur et de mouillé sur sa main ne lui disait rien de bon, et après vérification il vit effectivement qu'un peu de sang bien rouge s'était logé dans ses doigts.

- Eh merde...

Maintenant, la philosophie écrasée...la pluie et la fusion du sang deviennent tordues...

Kiyoshi s'avança à genou vers l'entrée de la caverne, puis sortit son corps en entier sous la pluie. Il dressa son bras, droit devant lui, parallèlement au sol, comme pour rincer ses doigts tandis que les larmes bénites des dieux saints coulaient sur sa tête, sur sa plaie dont il ne savait trop la gravité. Cette pluie lui faisait mal, horriblemment mal. La pluie, malgré qu'elle nettoyait sa plaie, la faisait chauffer encore plus pour rendre la douleur par la suite...insupportable.

Et elle se déverse, la pluie épineuse.

Invité

Ce jour-là, la pluie tombait telle des cordes, se fracassant dans un bruit sourd contre la vitre devant laquelle Young Im était accoudée. Elle n’avait pas quitté sa chambre depuis qu’elle avait appris cette vérité si improbable, au risque de croiser Hana. Elle s’étais moquée des cours et de tout le reste, n’avait presque pas mangé. Regarder par la fenêtre. Encore, et encore. C’était la seule chose qu’elle savait faire à présent. Contempler les élèves défilant dans la cours extérieure, rire entre eux, profiter des seuls instants où ils pouvaient se retrouver pour leur faire oublier à quel point la vie à Hakujoo était horriblement monotone. Ina se disait qu’elle aurait pu descendre de son lit et les rejoindre, et pourtant, elle n’en avait aucune envie. Elle était vidée de tout sentiment, et même sa passion de yankee qui consistait à tabasser les autres l’avait abandonnée. Oui, elle était complètement seule. Elle avait envie d’être seule. Et cette pluie incessante qui tombait ne risquait pas de la faire changer d’avis.

Cependant, au bout d’un certain temps, alors que ses yeux commençaient à se voiler, elle décida de bouger. Le mauvais temps ferait rentrer les élèves dans leur tanière, et elle ne risquait donc pas de croiser grand monde. Elle enfila donc un blouson, sortit et rabattit une capuche au contour fait en fourrure sur sa tête. Les mains glissées dans les poches de sa veste, elle marcha jusqu’au jardin. Puis à travers le jardin. Lentement, tout en repensant à chaque phrase que Hana avait prononcé. Elle était une femme… Comment était-ce acceptable ? Young Im était tombée amoureuse d’un homme, et non de la personne qui se cachait derrière ce faux visage… Et pourtant, ce faux visage restait tout de même celui de son actrice, non ? Ah, c’était un vrai casse-tête, et notre belle asiatique n’en trouvait pas le bon bout. Elle ne savait plus quoi faire. Ce n’était pas l’idée de sortir avec une fille qui la gênait, car elle l’avait déjà fait une ou deux fois. Non… Ce qui lui faisait terriblement mal, c’était le fait d’être folle de quelqu’un qui n’était qu’une… illusion.

Young Im marchait toujours. Sans but. La pluie pénétrait tout, même son blouson. Elle ressentait tout ce froid ambiant, et surtout celui qui était là, niché au creux de son cœur. Pour la énième fois, elle revécut cette soirée. L’attente devant le restaurant, le dîner, la balade dans le par et… cette révélation. Elle cassait le mythe. Le mythe du fameux, « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. » Pourquoi fallait-il que la seule fois où elle s’autorisait ce sentiment, elle tombe amoureuse d’une personne tout simplement inexistante ? Pourquoi devait-elle vivre cet épisode de l’Amour impossible ? Elle voulait son Prince Charmant… Elle voulait Kyoh, cet homme… L’homme de sa vie… Qui était en fait une femme très différente. Young Im venait de réaliser que plus jamais elle ne pourrait retrouver celui qu’elle aimait. Et sa vision se brouilla alors. Etait-ce la pluie qui l’aveuglait ? Ou les larmes qui coulaient chaudement sur ses joues, les noyant sous leur torrent incessant ?

Parmi toutes ces heures passées à déprimer devant sa fenêtre telle une princesse dans sa tour, Ina n’avait pas versé une seule larme. Et maintenant elle se rattrapait. On dit que les larmes sèchent le cœur, et pourtant, les siennes ne faisaient qu’ouvrir un peu plus cette blessure dont elle ne savait que faire. Quelle était la bonne solution pour la panser ? Essayer d’oublier Kyoh ? Tenter sa chance avec Hanna ? Quelle souffrance… Quel cruel et désagréable dilemme…

Un cri de douleur résonna dans le silence dont seul la pluie perçait le règne. Young Im en sursauta, car il la sortit de ses pensées lorsqu’elle s’y attendait le moins. Elle n’était donc pas seule, dans ce parc désert ? Elle se surprit à pleurer, et s’empressa d’essuyer ses larmes bien qu’elles se mêlent à la pluie au fil des secondes qui s’écoulaient inlassablement… Si seulement elle avait pu arrêter le temps lorsqu’elle croyait encore au Prince Charmant… Mais maintenant, les sillons brûlants que ses larmes avaient creusé en coulant sur ses joues lui donnaient l’impression d’être gravés à tout jamais. Comme preuve de ce mensonge, comme dénonciation de cette souffrance qu’elle ressentait vraiment pour la première fois.

Sans même réfléchir, Young Im se laissa guider de ses pas absents vers la source du cri décrit précédemment. C’est alors que, plus loin dans le jardin, elle tomba sur un jeune garçon à genoux sous la pluie, à l’entrée d’une petite caverne. Il suffisait de le voir pour deviner qu’il allait mal. Très mal. Physiquement, car une plaie sanglante s’ouvrait sur le haut de son crâne, mais aussi à l’intérieur. Ina, qui n’allait elle-même pas bien, le ressentait. Et la souffrance apparente de ce garçon lui déchira un peu plus le cœur, même si elle savait qu’elle ne pouvait pas comprendre la moindre moitié de ce supplice. Et en voyant ce garçon, la seule chose que Young Im voulut, ce fut l’aider.

Il ne semblait pas la discerner, car son regard était perdu dans le vague, fixant un point invisible qu’il était sans doute le seul à voir. Alors la première chose qu’elle fit, ce fut de s’agenouiller devant lui sans prêter attention aux marques que la boue pouvait laisser sur son jean tout neuf. Comme elle ne savait pas de quoi il s’agissait et comment il allait le prendre, la demoiselle préféra attendre qu’il réagisse le premier. Son regard exprimait cette envie qu’elle avait de l’aider, ainsi que la souffrance qu’elle ressentait elle-même. Mais aucune pitié ne s’y lisait, car elle savait que c’était la dernière chose qui était souhaitable pour lui, comme pour toute personne allant mal. Comme pour toute personne dont cœur et âme donnaient l’impression d’être transpercés par un million d’aiguilles…

La pluie épineuse continuait à couler des cieux, supplice insupportable pour un dépressif blessé à la tête à cause d'une erreur de calcul... non. C'était tout simplement un geste plus qu'imbécile fait par une personne qui se fiche un peu de la vie qu'il mène, comment elle tourne, comment elle finira, et comment elle recommencera. Certe, le nouvel être qui s'était agenouillé près de la dépouille encore vivante de Kiyoshi devait probablement penser comme les autres; les dépressifs ne sont que des personnes stupides qui ne pensent qu'à eux et qui ne font rien pour s'aider. Même cette personne que Kiyoshi n'avait aucunement remarqué, trop occupé à fixer un point quelconque à l'horizon, devait sûrement avoir des préjugés. Cela se voyait bien, après tout, que Kiyoshi n'était qu'un désespéré quasi suicidaire de la vie, non?

C'est à ce moment que, du coin de l'oeil, il remarqua une présence. Un coeur qui battait, comme le sien. Des poumons qui respiraient, comme les siens. Une ombre reliée à son maître pour l'éternité... comme la sienne. Mais il n'y prêta pas trop attention, l'idée que des préjugés aient pris naissance dans la tête de cett nouvelle présence humaine ayant traversé son esprit. Rapidement, aussi vif que l'éclair qui venait tout juste de transpercer le ciel.

Sous le désespoir, et également sous la douleur que cette pluie épineuse causait à la blessure de Kiyoshi, celui-ci baissa la tête en poussant un léger gémissement, tout petit, mais juste assez pour être audible par quiconque était à 30 centimètres de lui.

« Non... trop de fois les gens, en seulement quatre petites années, m'ont traités de lâche. Ils m'ont traîté d'hypocrite, d'égoïste, de sans coeur. Ils m'ont rabaissé le plus qu'ils le pouvaient, de sorte à m'attacher à l'aide d'une corde très peu solide et de me faire pendre par dessus un goufre, cette corde pouvant casser à tout moment et le gouffre pouvant m'emporter à tout jamais dans la noirceur... pouvant emporter ma vie. Non... je dois... me prendre en main. Tout personne qui m'approchera ne devra pas avoir d'idées noires telles que celles qu'on m'a fait vivre...»

Voilà ce qu'il s'était dit en se levant, après la énième fois qu'il fit le cauchemard du flashback de la mort de sa soeur. Plus jamais il ne se laisserait marcher sur les pieds. Et la première personne qu'il devra affronter était bien sûr cette jeune femme à côté de lui. Alors il releva la tête, près à affronter les insultes...

En tournant la tête vers elle, la première chose à laquelle qu'il crû était une... réincarnation. Était-ce les dieux qui, grâce à leurs larmes, avaient fait apparaître de nouveau la défunte soeur de Kiyoshi? Non... c'est trop peu réaliste... trop beau pour être vrai... mais le coeur de dépressif fut remplacé par le coeur de grand frère, qui avait été exilé de force pendant quatre ans. Quatre longues années...

- ...Mitsuko?

En examinant ses yeux... parce que les yeux veulent tout dire, Kiyoshi remarqua que cette jeune femme n'avait pas vraiment de mauvaises intentions. À moins qu'elle les cachait par un autre sentiment afin de l'attaquer plus durement...

» After the rain [Takeo ♥]